© La Juvaquatre RHP 2004
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Anecdote racontée par Gérard Loridon auteur d' un ouvrage " A table Scaphandriers " (en cours de rédaction d'ailleurs il cherche un éditeur...) , Une Juva fait parti des souvenirs, voici un extrait.

Les Moules du Port de Toulon

C' était en 1958, Nous venions avec deux amis de quitter la Sogétram, cette entreprise de Travaux sous marins où nous avions appris notre profession de scaphandrier. Une partie tout au moins de ce noble métier. Il nous restait beaucoup à faire et même à découvrir. Nous étions jeunes, remplis d' espoirs et …d' illusions.

Aussi nous avions choisi de débuter nos activités subaquatiques dans le Var, à quelques kilomètres de Toulon, ce haut lieu de la Marine Nationale où nous avions fait notre service Militaire, comme plongeurs au GERS. (Groupe d' études et de Recherches sous Marines

Mais comme je le dis souvent vivre au soleil, c' est bien si l' on en a les moyens. Dans notre cas sans emploi, ni de travaux en perspective, nous essayons d'y survivre.

Je passerais rapidement sur cette période difficile, où je reviendrais par ailleurs.

Nous avions quitté Paris un soir d' automne 1957 au volant d' un véhicule d' occasion qui nous avait paru convenir parfaitement à nos besoins et…à nos moyens.

Après mures réflexions nous avions jeté notre choix sur une JUVAQUATRE.

Que choisir de mieux à cette époque de la 4CV, et autres tractions-avant sublimes.

Non, il nous fallait un engin de faible taille, donc de faible prix, utilitaire, sans être une camionnette trop importante pour nous. Et cette Juvaquatre d' occasion, de couleur bleue-grise, avec sa longue tige coudée pour changer les vitesses nous convenait parfaitement.

Elle ne devrait pas consommer beaucoup vu la platitude de nos portefeuilles.

Deux places à l' avant, une caisse fermée derrière, où l' on pouvait mettre en plus du matériel un matelas pneumatique pour que l' un d' entre nous dorme la nuit pendant que l' autre conduisait. Pratique courante quand nous allions à Paris, sans autoroute !

Et cette Juva elle nous a bien servie, bête de somme fidèle, nous n' avons jamais été en panne. Elle est morte lâchement assassinée, pliée en deux, par un corps de pompe de bassin sur les chantiers de la Seyne. Robuste. Ne voulant pas abdiquée, elle à continuer à servir, les reins creusés, après que nous ayons découpé au chalumeau la caisse arrière.

La cabine restait et même les portières continuaient à s' ouvrir. On faisait du solide chez Renault à l' époque. Ma Kangoo actuelle (véritable descendante généalogique de la Juva, mais si ! regardez bien les lignes et la formule utilitaire !) ne supporterait pas la moitié de ce que cette Juvaquatre à encaissée

Je m' attendris sur celle qui fut ma première « Bagnole »

Car nous allons aborder maintenant l' un des chapitres où elle eut un grand rôle à jouer.

Donc nous venions de nous installer dans ce département du Var, un paradis naturel à cette époque bénie. Mais il fallait bien vivre et si la chasse sous marine se montrait généreuse, notre peau commençait à se couvrir d' écailles

Aussi lorsque l' un de nos amis, Fred, vint nous proposer du travail au port de Toulon, ce fut pour nous un jour de liesse, Nous n' allions pas tarder à déchanter.

Fred, notre ami, était un monsieur bien plus âgé que nous, expert en travaux sous marins au sein des Ponts et Chaussées (actuellement Service de l'Equipement)

Il nous demanda donc si il nous était possible d' abaisser un ancien quai qui était déjà rescindé a – 4 mètres. Des navires de fort tirant d' eau circulant sur cette zone risquait d' accrocher leur coque. Il fallait donc descendre à la cote – 6. C' est-à-dire démolir 2 mètres de béton sur une surface d' environ 120 M2. Une bagatelle…pas tant que ça !

Pour démolir ce type de béton ancien très robuste, il fallait utiliser de l' explosif. L' époqueétant plus calme qu 'actuellement, un entrepreneur ami de Fred accepta de nous fournir ce matériau délicat.

Alors nous avons perforé ce maudit béton, introduit nos charges et Boum ! Tous les soirs vers 17 heures c' était la pétarade.

Sur le plan administratif nous avions reçu une commande d' un ingénieur des Ponts et Chaussées qui nous avait fort bien reçu nous disant son contentement de faire travailler de jeunes entrepreneurs. Il aurait pu dire entreprenant c' était plus vrai !

Nous, nous voyons à travers ce marché passé de gré à gré vu son faible volume, l' éclaircie au bout du tunnel. Le prix avait été établi par Fred qui avait utilisé les tarifs de série en vigueur dans ces années lointaines.

Au bout d' une semaine, nous lui demandons si il ne serait pas possible de toucher quelque argent, car nous continuions à nous nourrir d' expédients.

« Bien sur dit-il nous allons faire une situation « Il se met à l' eau calcule le cubage démoli, un peu faible vu notre jeune expérience (et pourtant on ne mégottais pas sur l' explosif) et nous sort un chiffre qui sans représenter le pactole nous faisait penser bifteck, coup de rouge, pain frais et camembert. Matérialistes certes, affamés surtout !

Ce que nous ignorions, et rien depuis n'a changé sous le soleil, c' est qu 'une situation entre son établissement et son règlement requiert un délai de un ou deux mois. J' en ai connu par la suite ou la notion de mois était même oubliée.

Alors, passant tout les jours à la banque, telle sœur Anne, nous ne voyons que le Mistral qui poudrait le boulevard de Strasbourg.

Il fallait en sortir. Notre formation à la Sogetram était par certains côtés légèrement apparentée à celle de la Légion étrangère et il nous était comme dans cette noble arme, bien souvent répétée cette maxime de base similaire « tu a voulu être Scaphandrier à la Sogetram, tu n'a pas de problèmes, Démerdes toi ! » Vidamment…avec une telle phraséologie démocratique le débat était vite clos.

Mais nous sur le bord de notre quai rescindé que l'on rognait mètre par mètre…Aussi un beau matin, l' un d' entre nous sort de l' eau en rapportant une pleine brassée de grosses moules qu 'il avait arraché sur une chaîne de mouillage voisine. Bon, les moules on connaissait, on en mangeait vous pensez bien, crues avec un coup de rosé, cuites à la Marinière. Lui avait eu une idée géniale « et si on en ramenait ce soir. »

Nous logions dans une maisonnette de location hivernale (le proprio nous virait l' été pour louer aux Touristes, qui payaient bien eux !) au dessus d' un joli port de pêche des environs de Toulon.

Nous y étions bien vus par les pêcheurs locaux allant de temps en temps avec nos bouteilles décrocher un filet pris au fond dans une roche.

Aussi lorsque un soir nous sommes arrivés avec un sac de moules, il y a eu un petit attroupement de curieux, Et là, finement, les moules nous les leurs avons offerts, qui pour mettre dans ses girolliers, pour pêcher les dorades et déjà pour les manger eux-mêmes. Pour nous remercier nous avons eu droit à la soupe ….de Pastis au bar « La Marine » voisin. Heureusement avec, il y avait les olives et un peu de tapenade sur des tranches de pains. Nous sommes sortis de là dans un état avancé prêt à nous abonner aux alcooliques qui ne seraient pas anonymes, vu notre état joyeux et bruyant.

Les pêcheurs nous ont vu partir le regard attendri. « Vé, il ne tienne pas trop le coup ces jeunes grenouilles, les scaphandriers à casque eux, je te dis pas... ». Le Patron du bar qui nous avait vu transformer ces fines tartines de tapenades en sandwich s' en est bien aperçu lui : « et alors avec ce qu 'ils ont a manger en ce moment, il ne risque pas de les tenir les rafales de Pastagua que vous leur avez offert, il va falloir penser à ça, si ils nous ramènent des moules, comme ils nous l' ont promis... »

Car, allez vous me dire, des moules on en trouve à tous les étals de poissonniers. Bandes de « Figuemolles » comme disait l' un de mes amis, en 1957, les moules il n'y en avait pas comme actuellement. Et celles de la Rade de Toulon, elles étaient d' une taille plus que respectable « même que les grosse moules d'Espagne de maintenant qu 'elles font pas la moitié » nous disent nos anciens copains, quand je vais discuter avec eux sous le tamaris. Et oui pensez donc, la moule c' est un filtrant qui se nourrit de déchets biologiques et les 6000 marins de La Royale embarqués sur les gros culs (Richelieu, Jean Bart) les portes avions Arromanches, Lafayette, les escorteurs et autres aviso, quand ça tirait la chaîne des poulaines, ça les faisaient belles les moules.

Mais alors nous étions des empoisonneurs publics ?

Que non, car nos amis eux savaient ce qu 'ils fallait faire « Jeune, tu les mets dans un sac à pommes de terre, tu les accroches sous la bouée qui tient le feu rouge du port à l' extérieur, dans l' eau bien propre, tu les laisses cinq jours pas plus elles vont maigrir. Par contre, cette belle eau claire du large, ça va les dégorger. »

Aussi le lendemain soir, nous sommes revenus avec un chargement qui pliait notre brave Juvaquatre sur l' arrière et d' où dégoulinait de l' eau de mer pendant 15 Kilomètres.

Et pendant plusieurs mois, attendant le règlement de nos situations, nous avons livré nos moules. Le soir en arrivant sur le port l' une des épouses de nos amis prévenait « Ils arrivent » et nous étions alors submergés de ces gaillardes provençales qui tenaient à la main casseroles, sacs, faitout…Les pêcheurs venaient après pour garnir leurs girolliers le lendemain. Et nous, alors il nous était offert des tranches de jambon, des haricots verts en salade, de la daube en marmite « tu va voir petit si elle est bonne ma daube…ou ma blanquette » Paul qui tenait le Bar de la Marine lui nous offrait souvent du lapin sauté aux herbes « tu me dira si tu aimes » pensez donc. A tous cela venait s' ajouter quelques pains du boulanger et des bonbonnes de vin rosé de la vigne « de l'uncle qui est au Castelet »

Un jour l' un d' entre eux nous attire après le pastis rituel du soir (déjà consommé avec modération, pas facile ça !) et me dit « ma ligne de piadiers elle est prise, il y a 15/20 brasses, tu pourrais me la décrocher…pas de problème lui dis-je, nous irons samedi »

Comme je le dis plus haut nous étions coutumier de ce genre de dépannage et le samedi nous embarquons sur son pointu direction le centre de la baie. Mais mon ami pêcheur faisait une drôle de tête…Lui demandant ce qui le rendait ainsi inquiet il me fut répondu « que je te dise, la ligne quand je tire dessus, elle vient et si je la relâche ça repart…alors » J' étais là avec mon ami Jo qui se préparait à plonger, nous nous regardons souriant car nous avions compris de suite « C' est une mine, non ! C' est pour cela que çà vous tracasse ainsi…bon on va voir et y aller doucement »

Je me tourne vers Jo « l' eau est claire, approche toi juste à la visibilité, regardes si elle à des antennes, ce serait une vieille mine et ça m' étonnerait qu 'elle soit encore au bout de son orin, non c' est certainement une mine d' exercice, il y en a souvent par ici... mais enfin gaffe quand même …laisse les piadiers si tu juges cela dangereux...»

Jo, plonge et fait surface 10 minutes après « Remontez la ligne, elle faisait deux fois le tour de l'orin, pas grave c' est une mine d' exercice… » Notre ami le pêcheur en redevint immédiatement souriant et soulagé.

Aussi en rentrant nous avons eu droit à une invitation «  Oh ! Les jeunes, j' ai mis les plus grosses moules à dégorger il y a deux jours après demain vous viendrez à la maison, ma femme va vous faire l' un de ses spécialités : les Moules Farcies.

Inutile de vous dire que nous étions ce soir là, à l' heure et à table. Ce plat nous a laissé un souvenir plus qu 'émouvant. L' épouse de notre pêcheur se pâmait d' aise de voir sa cuisine si bien honorée. Je l' entendis dire à son mari en aparté « ces petits, c' est des gens sérieux, ils se tiennent bien… »

Aussi je lui demandais sa recette qu 'elle me donna volontiers, surprise quand même de voir un jeune homme s' intéresser aux finesses de la cuisine Provençale. Je vais vous la donner dans les pages suivantes. Mais je vais vous avouer quelque chose…Je n' ai jamais réussi à faire aussi bien que ce qu 'elle nous avait servi ce soir là.

Gérard Loridon

extrait de l' ouvrage " A table Scaphandriers "

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Si la plongée sous-marine vous intéresse, Gérard a déja publié un livre sur le sujet" La belle Aventure du Musée Frédéric DUMAS"

pour plus d' information sur ce livre, contactez Gerard par E-mail en cliquant ICI

 

 

Gérard précise aprés que je lui ai envoyé une photo d'une fourgonnette: Cette voiture c'est toute ma jeunesse et c'est ma première voiture C'est mon ami et associé de l'époque qui avait eu l'idée d'acheter une juvaquatre, c'était en Novembre 1957. Il disait que c'était une camionette peu importante et qui nous permettrait de nous déplacer. Nous l'avons payé chez un marchand d'occasion avec deux ou trois chèques à différentes dates. Et le lendemain nous sommes descendus sur la côte d'azur où nous voulions nous installer Partis le soir de Paris, nous sommes arrivés le lendemain vers 9/10 heures au plateau du Camp, là où se trouve maintenant le circuit du Castelet et nous nous sommes arrêtés pour regarder la Mer! Il faisait beau en plus Sur le plan mécanique, elle ne nous a jamais causé d'ennuis, et si ce n'avait pas été cet abruti de grutier qui à fait tomber un corps de pompe dessus. Malgré cela, pliée au milieu, elle a servi encore un bon moment Cela me fait vraiement plaisir de la revoir Encore merci et @micalement Gérard

 

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